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Invariance par changement d'échèlle

Il a été proposé de nombreux autres moyens de mettre en évidence une transition de phase. R. Botet et M. Ploszajczak [4] ont proposé par exemple d'utiliser la théorie des fluctuations universelles ou $\Delta-scaling$. Cette théorie démontre que dans un phénomène critique la distribution du paramètre d'ordre est invariante par changement d'échèlle du système. Cette théorie a des applications en physique nucléaire pour ce qui concerne la phénoménologie de la multifragmentation des noyaux excités à des énergies comparables à leur énergie de liaison, si la taille du plus gros fragment est paramètre d'ordre de la transition de phase associée à la multifragmentation et si celle-ci est interprétable comme un phénomène critique (ie. a lieu en proximité du point critique du diagramme de phase). On attend dans ce cas que la forme de la distribution du plus gros fragment (moyenant une transformation d'échèlle) reste la même lorsque la taille du système est modifiée traduisant le caractère universel de cette distribution. Le passage par un point critique se traduit par la vérification du $\Delta-scaling$ de la distribution normalisée $P_{<m>}(m)$ du paramètre d'ordre $m$ pour différentes tailles de systèmes :
\begin{displaymath}
<m>^{\Delta} P_{<m>}(m)= \Phi (z_{\Delta}),
z_{\Delta} = \frac{m - m^{*}}{<m>^{\Delta}}
\end{displaymath} (1)

$m^{*}$ et $<m>$ représentent la valeur la plus probable et la valeur moyenne du paramètre d'ordre et $\Phi$ la fonction d'échèlle. Dans une phase désordonnée les distributions des paramètres d'ordre doivent vérifier $\Delta=1$, le passage par un point critique est signé par $\Delta=\frac{1}{2}$. J.M. Carmona et al. ont montré [5] que cette théorie est vérifiée dans le modèle de gaz sur réseau. Cette technique est cependant difficle à mettre en oeuvre car la qualité de la loi d'échèlle (1) dépend évidemment de la valeur de $\Delta$ qui peut à priori varier entre 0 et 1 et n'est pas connue avant l'analyse.

En ce qui concerne les données expérimentales, le nombre limité d'espèces nucléaires rend impossible une application directe de la méthode. Les propriétés d'invariance d'échèlle ont alors été étudiées pour une même collision d'ions lourds en variant la violence de la collision [6] et un changement de régime a été observé de $\Delta=1$ vers $\Delta=\frac{1}{2}$. L'ensemble statistique (tri expérimental) dans lequel est effectué cette analyse s'apparente à un ensemble gaussien intermédiaire entre un ensemble microcanonique et un ensemble canonique.

En notant $P(A_{big})$ la distribution du plus gros fragment, $<A_{big}>$ et $\sigma_{A_{big}}$ la moyenne statistique et la variance de cette distribution, l'équation (1) peut être écrite de façon équivalente par l'ensemble des deux relations

\begin{displaymath}
\sigma_{A_{big}} P(A_{big}) = \Psi (z_{PMS}) = \Psi (\frac{A_{big}-<A_{big}>}{\sigma_{A_{big}}})
\end{displaymath} (2)


\begin{displaymath}
\frac{<A_{big}>}{\sigma^{2\Delta}_{A_{big}}} = Constante
\end{displaymath} (3)

L'équation (2) exprime la transformation qui permet d'obtenir les distributions centrées $\Psi(z_{PMS})$ de la variable réduite $z_{PMS}$. Ceci constitue une première étape qui ne suppose pas la valeur de $\Delta$. L'équation (3) exprime une relation affine entre les logarithmes des valeurs moyennes et des variances des distributions de plus gros fragments

\begin{displaymath}
ln(A_{big}) = Cte - \Delta ln(\sigma_{abig})
\end{displaymath}

qui permet, si la loi d'échèlle (2) est vérifiée, d'établir la valeur de $\Delta$.

Figure 3: Logarithme de la variance de la distribution de taille du plus gros fragment en fonction du logarithme de la valeur moyenne (figure de gauche) et fonctions de scaling (cf. texte) de ces distributions (droite) dans l'ensemble grand-canonique (haut) et canonique (bas).
\begin{figure}\centering\epsfig{file=scaling_macro.eps,width=5cm}\\
\centering\epsfig{file=scaling_cano.eps,width=5cm}\end{figure}

Nous avons appliqué cette méthode d'analyse aux données de notre modèle pour mieux comprendre ce signal. Similairement à la méthode expérimentale, nous avons gardé la taille du réseau constante (6x6x6, ce qui correspond à 108 particules dans l'ensemble canonique).

La figure (3) montre les résultats obtenus dans les ensembles grand-canonique (haut) et canonique (bas). La partie gauche de chaque sous-figure montre la relation entre le logarithme de la valeur moyenne ( $ln(\kappa_{1}^{2})$) et le logarithme de la variance ( $ln(\kappa_{2})$) des distributions du plus gros fragment, chaque point correspond à une température (basses températures à droite, hautes à gauche), la partie droite de ces figures superpose les fonctions d'échèlle $\Psi(z_{PMS})$.

Dans l'ensemble grand-canonique, comme nous l'avons vu au paragraphe précédent, les distributions du plus gros fragment dans la zone de coexistence de phase sont bimodales. La variance globale a donc une signification qui n'est plus compatible avec la théorie des fluctuations universelles. Dans cet ensemble les fonctions d'échèlle de ces distributions ne se superposent pas, il n'y a pas d'invariance par changement d'échèlle. La relation entre variance et moyenne est linéaire, aucun accident ne permet dans ce diagrame de déceler la localisation du point critique. Il est plus judicieux par exemple d'utiliser comme nous l'avons vu la disparition de la bimodalité pour localiser le point critique. Seules les distributions correspondant à des températures surcritiques semblent approximativement suivre une loi d'échèlle avec $\Delta \approx 1$.

Dans l'ensemble canonique, les conclusions sont très différentes, la valeur moyenne de la taille du plus gros fragment diminue avec la température, la variance augmente, passe par un maximum puis rediminue traduisant l'élargissement de la distribution de plus gros fragments observée au voisinage de la température critique. Les fonctions d'échèlle sont regroupées en deux familles distinctes possédant une asymétrie propre. Les distributions correspondant aux basses températures sont inclinées vers la droite tandis que celles correspondant aux grandes températures sont penchées vers la gauche, au passage de la température critique cette distribution du paramètre d'ordre s'aplatit avec une forme très large (fluctuation maximale). Assez loin de la température critique, les distributions de chaque famille se ressemblent beaucoup mais ne suivent pas rigoureusement une loi d'échèlle. Le $\Delta-scaling$ n'est pas observé bien que le point critique thermodynamique soit exploré par la simulation (point d'intersection des deux droites dans le diagramme de gauche). En effet, même si on accepte d'interpréter la ressemblence des distributions comme une loi d'échèlle déformée par les effets de taille finie, il est clair sur la figure (3) que la relation entre $ln(A_{big})$ et $ln(\sigma_{A_{big}})$ n'est pas linéaire sauf peut-être pour les températures fortement surcritiques. Toutefois les interpolations linéaires de la figure (3) montrent que si l'on dispose d'un domaine de variation de température limité, la réduction de la variance due à la loi de conservation sur la masse totale peut être faussement interprétée comme un changement de régime de $\Delta=1$ à $\Delta=\frac{1}{2}$.


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Da Vince 2003-03-06